Parcs à fabriques de la région parisienne
 

  Mortefontaine
 
historique
description d'époque

 

Mortefontaine est situé à 7 ou 8 kilomètres à l'ouest d'Ermenonville, en lisière de forêt. Le domaine commence à la grande rue du village, qui est la route venant de Plailly et allant à Fontaine-Chaalis ou Ermenonville. Le domaine s'étend de part et d'autre de cette route. Au sud-est le petit parc, où se trouve le château de Mortefontaine proprement dit, dont parle Gérard de Nerval. Au nord, le grand parc, avec les étangs et le pavillon de Vallière. Cette partie s'appelle maintenant Domaine de Vallière, avec un vaste château de la fin 19ème de silhouette gothique troubadour et de façade Renaissance .

Louis Le Peletier (1730-1799), d'une riche famille de très hauts magistrats (1), reçut le domaine en héritage en 1770 et prit de ce fait le titre de "Monsieur de Mortefontaine". Il fit rapidement embellir sa nouvelle possession, principalement le petit parc, qu'il fit traiter en jardin anglo-chinois. On y creusa un ruisseau s'élargissant en un chapelet d'étangs minuscules, avec un pavillon chinois, un obélisque, une colonne et une vallée des tombeaux, une glacière surmontée d'un pavillon et une prairie. Un grand nombre de statues d'animaux l'ornaient. Un théâtre, une orangerie, une volière s'y trouvaient, bâtiments que l'on pourrait considérer comme des fabriques, en particulier le théâtre. Le Peletier fit aménager plus sommairement le grand parc, mais c'est apparemment lui qui fit graver le rocher Delille, en hommage à l'abbé, dont il avait reçu les conseils.

La tour Rochefort,  
une des rares vues possibles

Joseph Bonaparte acheta le domaine en 1798. Il aima beaucoup y séjourner et y porta une grande attention. Conduisant la diplomatie de la France, il choisit son château comme cadre de la signature du traité d'amitié franco-américain, le 3 octobre 1800 : c'est la Convention de Mortefontaine

Le frère de Napoléon développa le grand parc. C'est avant tout un vaste parc paysager, sorte de jardin anglais sauvage. Il comprenait une dizaine de fabriques (ponts, tours, ruines, souterrain entre les deux parties ...) plus dispersées que dans les parcs à fabriques proprement dits. Je le présente sommairement en raison de la citation de l'abbé Delille, de la proximité d'Ermenonville et de la difficulté à obtenir des informations sur ce domaine privé, jalousement préservé du public. N'ayant pu le parcourir, je cite la description d'Adolphe Joanne dans les "environs de Paris illustrés" publiés en 1856 :

" Mortefontaine (plus communément Morfontaine) est, ainsi qu'Ermenonville, célèbre par son parc, dont on vante les eaux abondantes, et que l'on cite comme un des plus beaux jardins anglais d'Europe. Ses beautés pittoresques sont une création récente; au milieu du siècle dernier [1750 ndr], ce n'était ... qu'un site inculte, en partie occupé par des rochers et des marais. Pour en faire ce qu'il est aujourd'hui il ne fallut rien moins que les grandes fortunes dont purent disposer trois de ses propriétaires successifs : [Le Peletier, Durney, banquier de la cour] et surtout Joseph Bonaparte qui y fit de prodigieuses dépenses.

" Ce parc est divisé en deux parties : le Petit parc, où se trouve la maison d'habitation; et le Grand parc, où l'on va admirer des cours d'eau, des lacs, des pelouses aux mouvements de terrain accidentés, des rochers abrupts, des masses de grès comme à Fontainebleau, et une grande étendue de bois.

[ suit une description : lac Colbert, lac de Vallière, grand lac ou lac de l'Epine, comprenant une anse abritée, les Bains de Diane et en son milieu l'île Molton ou Mort-taon. Bois et landes. Vue au loin sur les villages et le clocher de Senlis. ]

" ... continuant à parcourir cette portion de bois, accidentée de mouvements de terrains et de rochers de grès, on ne tarde pas à arriver à une construction sur une éminence couronnée de pins, et qui est désignée sous le nom de Tour Dubosq, du nom d'un secrétaire de M. Le Peletier qui la fit élever en l'absence de ce dernier. ... un peu plus loin au milieu d'une belle forêt de pins, on s'arrête devant un rocher de grès énorme qui rappelle les plus gros blocs de Fontainebleau et sur lequel on a gravé le vers de Delille :

Sa masse indestructible a fatigué le temps

" Le temps, amère raillerie ! s'est amusé à effacer la hautaine inscription. "

La tour Rochefort à Mortefontaine

Telle qu'elle était gravée, cette sentence est sortie du contexte du poème de l'abbé Delille, qui vise les monuments de la Rome antique :

" Voyez de toutes parts, comment le cours des âges
dispersant, déchirant de précieux lambeaux,
jettant temple sur temple, et tombeaux sur tombeaux,
de Rome étale au loin la ruine immortelle ;
ces portiques, ces arcs, où la pierre fidelle
garde du peuple-roi les exploits éclatans ;
leur masse indestructible a fatigué le temps. "

 

Il est pratiquement impossible de photographier le parc actuellement. Vous pouvez en voir des cartes postales anciennes

Voir également le plan de Mortefontaine avec l'emplacement présumé des Bains de Diane, du pavillon de Vallière et du rocher Delille.

Avec ses ruisseaux aux cascades mesurées et murmurantes, ses peupliers, ses prairies assez sauvages, le val des étangs est tout simplement, parmi les parcs présentés dans ces pages, le plus évocateur d'une beauté naturelle spontanée. Et pourtant, bien des travaux ont été entrepris pour y aboutir. Cette beauté séduisit Corot, qui séjourna à Mortefontaine et y peignit. Malheureusement, ce panorama est peu accessible au regard. On peut l'apercevoir en empruntant la route de Thiers et en s'engageant dans un chemin conduisant au haras dans la prairie de Charlepont.

Mortefontaine est aussi la patrie de coeur de Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval. Enfant, il séjourna durablement chez son oncle, qui habitait une maison de la grand rue contre le petit parc, près de la belle fontaine classique encastrée dans le mur. Homme tourmenté, il mit fin à sa vie, et nous laisse des descriptions sensibles mais bouillonnantes de ces lieux auxquels il était si attaché.



Eléments de bibliographie

 


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Droits réservés de l'auteur,
Dernière mise à jour: 20 décembre 2002

Notes
1 Dès le 17ème siècle les Le Peletier ont formé plusieurs branches :
  -   Le Peletier de Morfontaine, (Claude, Contrôleur Général des finances en 1683 externe, successeur du grand Colbert et grand-père de Louis)
  -   Le Peletier des Forts (Michel-Robert, Commissaire Général des Finances en 1720 puis Contrôleur Général en 1726)
  -   Le Peletier de La Houssaye, (Félix, Contrôleur Général des Finances en 1720)
  -   Le Peletier de Saint-Fargeau externe, (Louis-Michel, libéral, premier assassiné politique de la Révolution, pour avoir voté la mort du roi).

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